Les travailleuses du sexe doivent désormais s’informer sur leurs droits

Article paru dans 24heures le 16 octobre 2018

Depuis le 1er octobre, les nouveaux travailleurs et travailleuses du sexe qui arrivent à Genève doivent suivre une séance d’information obligatoire après leur enregistrement auprès des services de police. Isabelle Boillat, coordinatrice de l’association Aspasie, donne ces cours dans ses locaux.

Pourquoi avoir commencé à organiser ces séances?

A la fin de 2014, un examen de la loi sur la prostitution a été fait. Un des magistrats de la Cour des comptes s’est immergé avec nos équipes sur le terrain afin de mieux comprendre le milieu et les difficultés des travailleuses du sexe. Le constat de cette enquête est clair: de nombreuses personnes ont des connaissances lacunaires sur le travail, les mesures de préventions à prendre ou encore leurs droits. L’idée de mettre en place des séances d’information obligatoires et d’adapter la loi en conséquence a donc émergé. L’objectif et de pouvoir recevoir ces nouveaux travailleurs dès leur arrivée et éviter qu’ils ne reçoivent des informations incomplètes, voir erronées, de la part de gérants de salon, d’agences d’escort ou autre.

Comment expliquez-vous ce manque d’information?

Beaucoup de personnes qui arrivent sur le marché genevois sont étrangères. Elle ne maîtrisent pas toutes le français, ne savent pas que la prostitution est légale en Suisse, ne connaissent pas le système et ignorent vers qui se tourner en cas de problème de santé ou de violence. Ce sont souvent des femmes très mobiles, qui ont peut-être moins le temps de comprendre et d’avoir accès aux informations utiles.

Combien de personnes avez-vous déjà reçues?

En une semaine, une trentaine de femmes. La Brigade contre la traite et la prostitution illicite (BTPI) a enregistré 1247 nouvelles personnes en 2017. La grande majorité vient d’Espagne, de Roumanie, de Hongrie et de France. Nous proposons nos séances en huit langues. La première fois, il peut y avoir un peut de méfiance car elles ne savent pas très bien pourquoi elles sont là. Les séances peuvent représenter une contrainte supplémentaire car elles sont aussi pressées de démarrer leur activité. Mais les premier retours sont positifs.

Sur quels aspects insistez-vous en particulier?

Les questions de santé sont récurrentes. Il y a une augmentation inquiétante d’infections sexuellement transmissibles comme la syphilis, la chlamydia, la gonorrhée et l’hépatite. Ces maladies peuvent se transmettre par le biais de rapport oraux, ce que beaucoup ignorent. rendre attentives les personnes aux règles du safer sex et aux moyens de se protéger est essentiel. C’est très compliqué. Les clients imposent souvent des pratiques qui ne sont pas sûres. La concurrence, le renouvellement permanent, la pression exercée sur les prix et sur les pratiques font que les travailleuses du sexe sont parfois contraintes à prendre des risques. Nous planchons d’ailleurs, avec d’autre associations romandes, sur la manière de mieux sensibiliser et de responsabiliser les clients également.

Et nul n’échappe à cette obligation

Toutes les personnes qui s’enregistrent à la police ont l’obligation de venir aux séances. Néanmoins, un certain nombre d’entre elles n’entreprennent pas ces démarches, pour de multiples raisons. C’est un problème pour l’accomplissement de notre mission car ces personnes n’ont pas accès aux informations, Il est ensuite plus difficile pour nous de les atteindre. Et elles ne vont pas savoir vers qui s’adresser en cas de violence, quelles mesures à prendre pour se protéger, les droits dont elles disposent – notamment celui de pouvoir exercer leur métier en toute indépendance.

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