Projet de loi modifiant la loi sur la prostitution

PL 10996: Prise de position d’Aspasie sur le PL 10996 modifiant la Lprost l 2 49, présentée à la commission judiciaire et de police le 18 octobre 2012 par les associations SOS Femmes et Aspasie

Aspasie et SOS Femmes se sont prononcées à plusieurs reprises lors de l’élaboration de la LProst qui est entrée en vigueur le 1er mai 2010 pour mettre en garde sur les éventuelles dérives ou les lacunes les plus prévisibles dont la loi ne tenait pas compte. Aujourd’hui, nous constatons que malgré la loi, les problèmes principaux comme l’usure et l’exploitation abusive continuent à s’aggraver. Les milieux du commerce du sexe ont vécu d’importants changements et évolutions structurels et nous pensons qu’une loi qui vise la protection des personnes exerçant la prostitution devrait être adaptée à cette évolution. Auparavant, Genève avait une grande tradition de la prostitution indépendante sans intermédiaire ; de manière générale les conditions de travail y étaient meilleures qu’aujourd’hui. Ce qui nous frappe particulièrement c’est que les conditions de travail des personnes prostituées se détériorent de plus en plus face au développement important des salons et autres entreprises de prostitution dont la loi a, de fait, renforcé la position tout en favorisant un phénomène d’hégémonie. Suivant les buts de protection visé par la loi, l’article 12 lettre a LProst prévoit que les exploitants de salon doivent tenir constamment à jour un registre mentionnant l’identité, le domicile, le type d’autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d’arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon, ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie. Il apparaît cependant que le contrôle du respect des obligations des exploitants n’est pas régulièrement exercé ou est inadapté, alors même qu’il s’agit certainement d’un moyen utile et efficace de lutte contre les abus pratiqués au détriment des travailleuses du sexe. Par ailleurs, la focalisation des contrôles sur les travailleuses du sexe ne favorise pas la protection visée et peut au contraire s’avérer dommageable pour elles.

Conséquences de la loi observée sur le terrain par Aspasie et SOS femmes

  • Les personnes prostituées indépendantes qui avaient des lieux de travail en collocation ont pour la plupart renoncé à se constituer en « salon » étant donné la complexité et l’inaccessibilité des démarches et des exigences administratives. Nombre d’entre elles ont dû cesser de travailler et sont dans l’obligation de recourir à l’assistance publique car elles n’ont pas de revenu et ont, pour la plupart, perdu également leur logement. A partir d’un certain âge, elles n’ont de fait plus accès aux grands salons et il n’existe aucune alternative professionnelle pour elles.
  • La réglementation sur les salons contenue dans la LProst n’évite pas l’exploitation abusive des femmes dans ces lieux, (par ex. imposition d’horaires, de prestations parfois non protégées, rétention de passeports ou permis de séjour…)
  • Un des points cruciaux où les femmes sont peu protégées concerne l’usure immobilière : Contrairement au bute de protection stipulé par l’article 1 Lprost, la loi ne protège pas les travailleuses du sexe de l’usure immobilière. De nombreuses structures / appartements dans lesquels pratiquaient des « artisanes indépendantes en colocation » ont été interdits par la LProst, au prétexte qu’au-delà de deux personnes, il pourrait y avoir risque de traite. Suite à la mise en viguer de la LProst  un ensemble de conditions, parmi lesquelles l’obligation initiale d’obtenir l’autorisation du propriétaire des locaux (exigence abrogée par le TF) a été imposé ; en pratique, cette situation a eu pour effet d’avantager les structures, que la loi nomme « salons » pouvant répondre à ces exigences, favorisant l’éclosion d’abus. En effet, les travailleuses du sexe y louent des locaux à la journée à des prix exorbitants, sans recevoir de quittance (avec ou sans services fournis: ex. préservatifs, annonces, etc…) ; elles peuvent ainsi facilement être mises sous pression et perdre leur liberté d’action, se retrouvant dans des situations d’exploitation sexuelle prohibées par l’article 195 al. 3 CP.

Propositions de changements

Art.4 Obligation d’annonce et transmission de données.

La modification de l’alinéa 2 lettre b, pose la question de l’égalité de traitement eu égard aux autres professions qui doivent d’une manière ou d’une autre s’annoncer à l’administration cantonale ou à des organismes professionnels (médecins, avocats, esthéticiennes, chauffeurs de taxis,…). Ces entités transmettent-elles d’office des informations à l’administration fiscale ou à l’office cantonal de la population ? Pour d’autres professions, la police transmet-elle des informations aux assurances sociales, à l’Hospice général, à leur demande?

La modification proposée est donc manifestement discriminatoire et stygmatisante. Nous proposons que cette modification ne soit pas introduite dans la loi.
Nous proposons que l’article 4 alinéa 4 : soit modifié comme suit : « la personne se prostituant obtient systématiquement des informations complètes lorsqu’elle s’annonce aux autorités compétentes. « (En remplacement de « informations circonstanciées »).

Ces informations complètes doivent notamment inclure une copie du procès-verbal établi par la Brigade des mœurs à l’occasion du recensement de la personne prostituée.

Article 4 A: Fichier de police

Dans l’article 4A, il est choquant de voir apparaître le terme «répression» dans une loi dont le but vise à encadrer et à protéger l’exercice d’une activité professionnelle légale.

Alinéa 1: Nous proposons la formulation suivante : «Conformément aux buts de protection énoncés par l’article 1 de la LProst, la police tient un fichier des personnes qui se prostituent, un fichier des responsables de salon et un fichier des responsables d’agences d’escortes. Les justifications invoquées dans cet alinéa sont redondantes par rapport à l’article 1 qui motive la loi. En revanche, la tenue d’un fichier des exploitants est utile du point de vue de la protection des personnes prostituées ; ce fichier existe depuis longtemps, mais n’est pas expressément mentionné par la LProst et il serait certainement utile, sous l’angle du contrôle de la liberté d’action des personnes prostituées et au regard des règles en matière de la protection des données, que la loi contienne des dispositions explicites à ce sujet.
Alinéa 2 : a) n°5 ; b) et c) n°9 sont des données qui doivent rester facultatives.

L’obligation pour les personnes prostituées de permettre que le fichier soit tenu à jour n’est pas réaliste. En effet, surnom et coordonnées téléphoniques peuvent changer à de nombreuses reprises.

Ces données peuvent correspondre à un besoin ressenti de protection. (Photo, surnom, et téléphone) en revanche ce n’est pas le cas pour toutes les personnes concernées, dont certaines trouvent ces exigences stigmatisantes.

a)n°8 doit être supprimé : le courrier envoyé au domicile a à maintes reprises posé problème, la confidentialité n’étant pas garantie. Les demandes d’adresses requises sous c) sont suffisantes.

b)(Voir plus haut)

c)Les numéros 11, 12 et 13 doivent être supprimés car ils n’ont rien à voir avec un fichier d’identification.

Article 4A alinéa 3 radiation du fichier dès cessation d’activité.

Cet alinéa est pleinement approuvé et doit par ailleurs entraîner la modification de la teneur peu claire de l’article  5 al. 2 Lprost, dont la formulation sous-entend une radiation en deux étapes que rien ne justifie, en patente contradiction avec l’article 4 alinéa 3 du projet.

Art.5 alinéa 2 Cessation d’activité

Cette disposition imprécise entre en contradiction avec le principe posé par l’article 4A al 3 du projet et doit être supprimée. Lorsqu’une personne prostituée annonce la fin de son activité, elle doit être radiée des fichiers de police et il n’est pas nécessaire de prévoir une demande supplémentaire de radiation à cet effet et en fonction de quels critères.

La modification de la loi portant principalement sur la récolte de données pour le fichier de police, il nous paraît opportun de soulever quelques lacunes concernant la récolte d’informations en vue de garantir la protection des personnes prostituées.

Ainsi donc, nous suggérons les modifications suivantes dans la LProst (l 249).

Sous :
Chapitre IV Prostitution de salon,

Art.9 obligation d’annonce

Ajouter un alinéa 4 libellé de la manière suivante : La personne qui exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l’exercice de la prostitution doit fournir à ces tiers un contrat écrit, détaillant les prestations et services fournis par l’exploitant.

Art.12 obligations du responsable

Ajouter lettre h): de fournir aux personnes qui se prostituent des quittances pour les garanties de loyer perçues, ainsi qu’à chaque fois qu’un loyer est encaissé.

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