Suppression du statut d’artiste de cabaret

mise en consultation d’une modification de l’ordonnance

Communiqué du Conseil Fédéral, Berne.

Le statut d’artiste de cabaret pour les personnes en provenance d’un Etat non-membre de l’UE ou de l’AELE doit être supprimé, car il ne remplit pas une fonction de protection suffisante. Le Conseil fédéral a mis ce vendredi en consultation un projet de révision partielle en ce sens de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA). Parallèlement, il entend renforcer la protection des victimes de la traite d’êtres humains.

Suppression du statut d’artiste de cabaret: Prise de position d’Aspasie

A l’adresse de l’Office fédéral des migrations OFM
Division Travail / Autorisations de travail

Genève, le 30 octobre 2012

L’association Aspasie vous remercie de votre demande de prise de position dans le cadre de la procédure de consultation relative au projet de suppression du statut d’artiste de cabaret pour les personnes en provenance d’un Etat non-membre de l’UE ou de l’AELE.

Aspasie est une association de solidarité, crée à Genève en 1982 par des personnes prostituées et leurs alliés. Dans une attitude exempte de jugement elle défend les droits des personnes qui exercent le travail du sexe, offre accueil, information, prévention et soutien.

Bien que la prostitution soit légalement interdite dans les cabarets, ces lieux de divertissement font partie du secteur économique érotique. C’est à ce titre qu’un important travail d’information et de prévention est mené sur le terrain depuis une vingtaine d’années par notre équipe de médiatrices spécialisées. Les liens de confiance créés au fil des années ont permis à un grand nombre de danseuses de cabaret de s’adresser à nos services pour être accompagnées et soutenues dans la défense de leurs droits.

Protection des artistes de cabaret

C’est précisément le contrat de travail (conditions salariales minimales, paiement des frais de déplacement, assurances sociales, etc.) qui donne aux artistes des Etats tiers la possibilité de défendre leurs droits à laquelle les artistes recourent plus fréquemment, notamment auprès des prud’hommes.

Sans contrat, les artistes des Etats tiers seront privées, non de travail, mais de cadre légal, ce qui veut dire qu’elles seront exploitées sans aucun recours possible. C’est justement ce que constatent les associations des régions où le statut d’artiste de cabaret a été supprimé : une hausse du nombre d’illégales venues d’Etats tiers.

Priver de cadre légal les artistes de cabaret sous prétexte de les protéger n’est pas une solution : la traite des femmes est un argument irréaliste ; le cas échéant, un tel trafic ne concernerait d’ailleurs pas exclusivement les danseuses en provenance des Etats tiers, mais aussi celles de l’UE. Par ailleurs, le nombre des cas de traite de femmes est stable depuis des années, sans augmentation notable.

Contrôles par les autorités

L’OFM affirme que des contrôles de police même renforcés, mais qui sur place se limitent en général au contrôle d’identité et de permis de séjour, sont impuissants à protéger les femmes. L’inefficacité des contrôles actuels ne peut motiver la suppression du statut d’artiste de cabaret; elle devrait au contraire inspirer un plus grand sérieux des contrôles, qu’il faut pratiquer à une plus grande échelle, conduire avec discernement et en appliquant effectivement des sanctions en cas d’abus.
Si on devait supprimer les permis dans tous les secteurs où les contrôles ont peu d’effet et où les abus se répètent, il ne resterait plus grand-chose de l’agriculture et de la construction. Les faits prouvent que les tribunaux prud’hommes sont bien moins sollicités dans les cantons où les cabarets sont contrôlés et les abus sanctionnés.

En Suisse, nous constatons qu’en règle générale l’origine d’abus ou de contraintes n’est pas le fait de réseaux mafieux mais des employeurs. Le problème ne concerne donc pas seulement les employées en provenance d’états tiers.

Informations pour les artistes de cabaret

Dans certains cantons, on invite les artistes de cabaret à une séance d’information, lors de laquelle on leur explique leurs droits et devoirs ; parfois, on encaisse et délivre les permis sur place. Ceci évite que les gérants et gérantes de cabaret taxent encore les danseuses. Ces renseignements donnent aux artistes les moyens de se défendre contre les abus et leur indiquent où s’adresser en cas de besoin.

Le travail des centres de consultation

Les ONG assument depuis des années leurs responsabilités, et s’impliquent dans la promotion de la santé et la prévention contre le SIDA et autres IST. De plus, les liens étroits avec les artistes de cabaret font des ONG le messager le plus efficace de l’information sur les droits et devoirs des intéressées, encouragées à les faire valoir. Les danseuses de cabaret s’adressent souvent aux associations, même après des années, en cas d’abus ou de doute.

Expériences des centres de consultation après la suppression

A l’inverse de ce qu’affirme le rapport explicatif, les associations ont vu toujours plus de danseuses illégales après la suppression du statut : les cabarets sont juste devenus des bars de contact.  La situation de ces danseuses n’échappant pas aux patrons de cabaret, les artistes se retrouvent, comme mentionné plus haut, plus vulnérables et donc plus exploitées que jamais. Les cabarets ne vont pas disparaître avec la suppression du statut de danseuses de cabaret : tout ce qui changera, c’est que le travail sera accompli de préférence par des ressortissantes de l’UE, qui seules garderont un statut. Pour elles comme pour les autres, il est impératif que les conditions de travail soient soumises à des contrôles systématiques.

Revendications

  • Le statut d’artiste de cabaret doit être maintenu : il est le cadre légal indispensable aux femmes des Etats tiers pour exercer leur travail dans la dignité. Il est surtout la  principale barrière contre la traite des femmes, l’exploitation et la criminalisation.
  • Les réunions du groupe de pilotage « artistes de cabaret » à l’OFM doivent avoir lieu plus régulièrement.
  • Les propositions des ONG doivent être prises plus au sérieux et suivies d’effet.
  • La surveillance des autorités ne doit pas se limiter à vérifier le permis de séjour.
  • Les gérants et gérantes de cabaret coupables d’infractions doivent subir des  sanctions.
  • Dans le cas de patrons dénués de scrupules et prompts à la récidive, la sanction doit aller jusqu’au retrait de la patente.
  • L’activité des agences de placement  doit être soumise à des contrôles réguliers.
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